lundi 15 avril 2013

L’anthropomorphisme vs notre propre humanité

  Face à l’évident mouvement d’humanisation des robots dont l’anthropomorphisme continue de déranger, il nous faut remarquer les questions que cela pose de manière générale sur notre propre humanité. La fascination des humains envers les robots et la place qu’ils occupent dans l’imaginaire prouvent que la technique demeure une source de réflexion sur les capacités des Hommes et la spécificité humaine.

  Clémentine Malgras, auteur de l’article sur la série "Real Humans" sur le site FastNCurious rappelle la volonté qui se cache derrière la création de ces robots imitant parfaitement les humains : ‘le sous-titre de la série, « Qu’avons-nous encore fabriqué ? » nous rappelle l’idée d’une science babélienne qui s’acharne à dépasser le divin. Ce thème de prédilection se retrouve dans la pensée de Mary Shelley avec Frankenstein ou le Prométhée moderne, où elle reproduit entre l’homme et sa machine l’idée du Créateur. Ce rapport conflictuel nourrit toute une mythologie parfaitement distillée dans la série, à l’image de la réponse d’un hubot sur la question de son origine : "Nous venons de vous, de votre imagination" (1). L’Homme cherche donc à reproduire par la science ce que le divin (ou la nature) fait quotidiennement. Il tente de recréer du sacré par la science, celle-là même qui a réduit au statut de mythes les croyances des Hommes sur le fonctionnement du monde. Après donc avoir prouvé que tout pouvait s’expliquer scientifiquement, l’Homme cherche à reproduire ce système naturel grâce à ses propres outils.
Ce qui est à mettre en parallèle avec l’opinion de Nicolas Gilli concernant le film A.I Intelligence Artificielle, selon lui ‘Non seulement l'homme cherche à créer un être à son image, mais il cherche également à l'inclure dans le cycle naturel en quelque sorte. Ces êtres robotiques, qu'ils soient dessinés comme Tima ou qu'ils prennent une apparence bien humaine avec le visage de Haley Joel Osment, marquent bien l'évolution ultime de l'humanité chez les robots au cinéma, car ils en sont les enfants’. (2)

Hubots ouvriers dans 'Real Humans'


  Cette capacité humaine à créer des robots qui nous ressemblent de plus en plus questionne notre propre humanité. Selon Clémentine Malgras, ‘Real Humans est donc un excellent hybride des films de science-fiction, tel qu’Intelligence Artificielle de Spielberg. Il s’agit de reproduire par la fiction les angoisses et les travers de la société. Derrière le masque grossier des hubots, se cache la sempiternelle interrogation : l’Homme est-il bon ?’ En tant que Créateur l’Homme tend à créer le robot à son image. Dès lors, si le robot développe une conscience de son état et des comportements humains, il sera un véritable miroir de l’Homme, il agira à l’image de ceux qui l’ont créé et sera également représentatif du comportement humain. Mais l’être humain est unique, traversé par ce qu’on nomme ‘l’humanité’ et que l’on pourrait définir par ce que nous appelons communément ‘le propre de l’homme’, c’est-à-dire un certaine nombre de particularités propres à l’Homme (physiques tout d’abord, mais également des aptitudes telles que le langage, la conscience de soi, la capacité à l’abstraction,…) qui le différencie des autres espèces animales. En plaçant ainsi le robot dans le cycle naturel de la création, l’angoisse d’être un jour remplacé par les robots fait jour et est liée au fait que la vie humaine est éphémère. Le robot ultime sera un être humain parfait, reproduisant tous les comportements humains tout en pouvant vivre éternellement. Un être plus parfait que l’Homme donne envie de remplacer l’Homme par le robot, au-delà du travail physique où la robotique a déjà pris une place considérable c’est désormais dans les relations humaines que le robot prend place. Certains humains assurent en effet vivre des relations amoureuses avec des robots comme le prouve ce reportage (3) E. Grimaud rappelle toutefois qu’en Occident recréer un corps humain dans son intégralité est tabou, à l’inverse des roboticiens japonais qui ‘sont persuadés que la ressemblance humaine facilite les interactions sociales. […] D’ailleurs, au Japon, le marché des doubles [vivants] existe déjà : on peut louer par exemple un frère ou une sœur pour un mariage. Pour promouvoir son Geminoid, Ishiguro prédit que bientôt on aura tous un double, qu’on pourrait envoyer faire des conférences à sa place’. Largement acceptés dans la culture japonaise, les robots humanoïdes véritables miroirs des Hommes semblent donc être le nouveau défi que la science s’est donnée et la société si elle ne fait pas barrage risque de devoir s’habituer à côtoyer des doubles robotisés. 

  A l'image des réflexions soulevées par la série 'Real Humans', on comprend que la cohabitation avec des robots humanoïdes n'est pas prête de s'effectuer en douceur. Si dans la série la fiction prend largement le pas en imaginant des robots dotés de conscience, capables d'aimer et se révolter, la simple réalité de robots nous imitant à la perfection est suffisamment troublante pour pré-sentir des réticences de taille quant à l'acceptation de ces machines dans nos sociétés.

(1) : http://fastncurious.fr/irreverences/real-humans.html
(2) : http://lci.tf1.fr/cinema/news/eva-l-evolution-de-l-humanite-des-robots-dans-le-cinema-populaire-7076152.html
(3) : http://www.vincentabry.com/en-couple-avec-une-poupee-robot-bientot-une-realite-15345

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